(Montréal) La province doit favoriser une consommation d’énergie plus sobre, mettre en place des mesures d’écofiscalité et modifier la Loi sur la Régie de l’énergie, selon un mémoire de Réseau environnement, qui regroupe des experts des domaines public, privé et académique. Le mémoire, qui contient neuf propositions, a été déposé dans le cadre de la consultation publique initiée par Québec sur l’encadrement et le développement des énergies propres.

Selon les données de la Régie de l’énergie du Canada, la consommation d’électricité par habitant au pays s’est établie à 15 mégawattheures en 2019, et le Québec est arrivé au premier rang, avec une consommation annuelle d’électricité de 24 MWh par habitant.

Ce constat fait dire au Réseau environnement, qu’avant de considérer développer de nouvelles sources d’énergie à partir de centrale nucléaire ou de nouveaux barrages hydro-électriques, par exemple, les Québécois doivent absolument adopter une « consommation plus sobre, circulaire et efficace ».

Écofiscalité de type « bonus malus »

Pour y arriver, il faut mettre en place des mesures d’écofiscalité, selon le président-directeur général de Réseau environnement.

« Le financement gouvernemental à l’industrie pourrait inclure des critères d’écoresponsabilité, comme les bonus-malus. Ce sont des exemples concrets qu’on retrouve dans d’autres juridictions », a souligné Mathieu Laneuville.

Les bonus-malus proposent des avantages fiscaux aux industries et aux particuliers qui ont un comportement écoresponsable et pénalisent les gros pollueurs et consommateurs d’énergie.

« On le voit en France, ils ont instauré un système de cotation, d’étiquetage de consommation énergétique des bâtiments, alors quand on vend un bâtiment, le fait qu’il soit écoénergétique fait une différence sur la valeur de revente », a expliqué M. Laneuville en donnant en exemple le programme français « Diagnostic de performance énergétique ».

En France, avant la vente d’un logement ou d’un bâtiment, le propriétaire a l’obligation d’afficher sa « performance énergétique et climatique ».

Mathieu Laneuville suggère de mettre en place des mesures semblables « dans l’optique de stimuler un marché de l’efficacité énergétique, parce qu’actuellement, le marché de l’efficacité énergétique a besoin d’être stimulé davantage ».

Il a ajouté « qu’on pourrait faire la même chose avec les véhicules ».

De meilleures conditions réglementaires et économiques

Réseau environnement propose à Québec de mettre en place les conditions réglementaires et économiques qui permettront le développement d’autres énergies propres au Québec, comme l’éolien ou le solaire, mais aussi le gaz naturel renouvelable (GNR).

Certains groupes environnementaux ne considèrent pas le GNR comme une énergie de transition, car il contient du méthane et émet des gaz à effet de serre lors de sa combustion. Mais le GNR peut être produit à partir de déchets alimentaires et forestiers notamment, donc son empreinte environnementale est moins importante que le mazout ou le propane qu’il peut remplacer, dans certains secteurs industriels, en utilisant le même réseau de distribution.

Pour Réseau environnement, le GNR, en petite quantité, doit occuper une place dans la transition énergétique. Le mémoire de l’organisation souligne qu’il existe plusieurs exploitants de lieux d’enfouissement technique (LET) qui ont investi dans des installations de valorisation de biogaz ou de production de GNR au cours des dernières années et que ces entreprises forment une filière déjà établie, mais qui n’est pas nécessairement avantagée par la réglementation.

« Il existe actuellement une iniquité entre les producteurs de différentes sources d’énergie. À titre d’exemple, la connexion au réseau d’un nouveau projet éolien est payée par la collectivité alors que le branchement d’un projet de gaz naturel renouvelable est sous la responsabilité de l’entreprise instaurant le programme et peut s’avérer très dispendieux. Cet enjeu empêche certains projets d’énergie décarbonée de voir le jour alors que ceux-ci pourraient participer à l’objectif de décarbonation du Québec », peut-on lire dans le mémoire.

Le développement de nouveaux projets énergétiques, comme la production de GNR, devrait, selon Réseau environnement, prioriser les circuits courts au travers desquels les sources d’énergie seraient physiquement proches de leurs lieux de consommation.

Modifier la Loi sur la Régie de l’énergie

Si Québec veut être cohérent avec son objectif de carboneutralité en 2050, Réseau environnement est d’avis que « les verdicts de la Régie doivent davantage prendre en compte les retombées de projets favorisant la transition énergétique » et la réduction des émissions de GES du Québec.

« Pas mal toutes les décisions prises à la Régie de l’énergie actuellement sont basées sur des enjeux tarifaires » et « ce qu’on dit, c’est qu’il faut aussi regarder les retombées socio-environnementales » si on veut réussir la transition, a indiqué Mathieu Laneuville.

Les élus doivent donc modifier la Loi sur la Régie de l’énergie, dont l’article 5, selon Réseau environnement.

Parmi les autres recommandations, Réseau environnement demande au gouvernement de se doter « d’études tangibles », « d’indicateurs et d’outils » et de données solides pour assurer une transition énergétique

« La transition énergétique est un chantier trop grand et trop vital pour s’aventurer à proposer des moyens tous azimuts sans d’abord s’entendre collectivement sur les fondements qui doivent guider sa réalisation. Un manque de cohérence risque de nous faire rater la cible », a souligné Mathieu Laneuville.

Le gouvernement doit déposer à l’automne un projet de loi qui devrait moderniser le secteur de l’énergie, la Loi sur Hydro-Québec et la Loi sur la Régie de l’énergie.